Les jours avec des prix négatifs de l'électricité se comptaient sur les doigts d'une main en 2012. C'est plus d'une centaine de jours avec des prix négatifs sur le marché allemand de l'électricité en 2013. Et nous venons de rentrer ce samedi 4 janvier 2014 dans la quatrième semaine de jours successifs à prix négatifs sur ce marché. Ce n'est plus du fifrelin, une problématique à la marge, même si elle ne concerne que quelques tranches horaires chaque jour et, à ce stade, des volumes d'échanges encore limités sur le marché spot. 'Cliquez Ici'
Ces prix négatifs de l'électricité sont cependant une aberration économique. Ils illustrent un double gaspillage, et devraient être considérés à mon sens comme une prise de risque inacceptable pour l'Europe.
S'il y a excédent de production, il faut aller chercher à la source la cause de cet excédent de production.
La difficulté c'est que le volume trop important des subventions sur les énergies intermittentes rend le marché européen de l'électricité complètement déconnecté de la réalité physique, ce qui ouvre grand la porte des manipulations et spéculations financières les plus folles.
La pointe maximale de la demande en électricité en Allemagne a été en 2012 de 81858 MWe quand la puissance installée fin 2012 était de 31300 MWe dans l'éolien, 33100 MWe dans le solaire, 5700 MWe dans la biomasse, et 10800 MWe dans l'hydraulique, soit un total de 81700 MWe.(source ENTSOE, Yearly Statistics & Adequacy retrospect 2012).
Avec 46 pour cent de la puissance électrique installée en Allemagne, les énergies renouvelables et l'hydraulique n'ont réalisé que 25 pour cent de la production de l'électricité en Allemagne en 2012. 60 % de la production d'électricité en Allemagne est restée réalisée en 2012 par de l'énergie fossile ce qui conduit l'Allemagne à demeurer l'un des plus grands pollueurs d'Europe ( 9 tonnes de CO2 émises par habitant).
La pointe de la demande en électricité est très variable, comme l'est la production intermittente. Mais comme l'une n'est pas corrélée avec l'autre, et que le programme d'investissement dans les énergies intermittentes reste très soutenu en Allemagne par le mécanisme de subventions, Il y a de plus en plus de situations où la production intermittente est malgré tout excédentaire par rapport à la demande, une fois saturés les besoins allemands et les interconnexions électriques avec les pays voisins. Les prix négatifs de l'électricité illustrent ainsi une double gabegie, un double gaspillage, incitation par des prix négatifs à consommer de la précieuse énergie, et investissements subventionnés à outrance, plusieurs centaines de milliards d'euros, dans les énergies intermittentes dont le volume n'est désormais plus du tout adapté aux besoins. Pour mémoire, les investissements dans les énergies intermittentes sont très capitalistiques. Plus de 1 million d'euro le MWe dans l'éolien, plus de 2 million le MWe dans le photovoltaïque. Les 103 530 MWe d'éolien installés fin 2012 dans toute l'Europe représentent plus de 100 milliards d'euros d'investissements immobilisés. Les 67 964 MWe de solaire installés, plus de 130 milliards d'euros.
Et au profit de qui, ni de l'environnement, car ces investissements ou subventions auraient pu être plus utiles ailleurs, pour mieux isoler les bâtiments ou pour décarbonner les transports par exemple. Ni du consommateur final qui est le dindon de la farce en payant le surcoût induit par ces gaspillages hautement rentables pour la spéculation financière et habilement qualifiés d'énergie verte. En France, le coût est répercuté sur la CSPE, la Contribution de Service Public de l'Electricité. Chacun peut lire le montant qu'il paie sur sa facture d'électricité.
Et de plus, à force de jouer à la marchande en spéculant entre les prix négatifs et positifs de l'électricité, et en favorisant des investissements inadaptés assis sur des rentes, avec des saturations de plus en plus fréquentes des interconnexions et des marges sur la sûreté du système électrique de plus en plus sollicitées, on prend le risque de black out, de perte généralisée du réseau sur l'ensemble du réseau électrique européen interconnecté ( plus de 500 millions de clients raccordés).
Et ce ne sont pas les grands investisseurs, d'ailleurs certains "off shore", qui prennent le risque. C'est l'ensemble des consommateurs en électricité dans l'Europe électrique interconnectée.