Non, les jeux ne sont pas faits ! vive le débat public

Les élections qui auront lieu en France dans les prochains mois revêtent une importance majeure, dans un contexte social, économique, sanitaire, géopolitique, tout simplement politique, en ébullition.

La première interrogation qui se pose porte sur le niveau de participation. Plus elle sera élevée, moins les dés seront joués. Les sondages seront alors d’autant plus incertains et peu anticipateurs. La démocratie s’exercera  alors pleinement.

La deuxième question porte sur les dynamiques électorales à l’œuvre et les projets sous-jacents.

Est-ce la personnalité devant le projet qui jouera, avec un effet majeur autour de la personne, Melenchon, Macron, Zemmour, Le Pen ? Avec un nouvel arrivant, Zemmour, qui a commencé par semer le trouble, et qui pourrait en cas de conflit électoral Zemmour / Le Pen, cheminant chacun autour de 15 pour cent, faire perdre de vue la perspective d’un remake « déjà vu »  Macron / extrême droite et qui avait permis en 2017,  de fait et par renoncement, à Macron de devenir le vainqueur inéluctable par défaut ?

 

Siphonnage entre Le Pen et Zemmour

Plaçons-nous alors dans cette perspective où le deuxième tour n’est pas si établi que cela.

Examinons entre Macron et Pécresse la dynamique. Ces deux candidats disposent d’une même large base électorale, républicaine, européenne, atlantiste,  bourgeoise, mondialiste.

La peur des extrêmes, de la radicalisation « populiste », la déception par rapport à Macron de n’avoir pu su mener à bien aucune des réformes auxquelles cet électorat est attaché, conduiront à transférer cette base électorale de Macron à Pécresse, par vase communicant, Pécresse progressant quand Macron descendra. Pécresse éliminera alors Macron dans l’éligibilité pour le deuxième tour.

Siphonnage entre Macron et Pecresse

Ce renouveau dans la droite républicaine/centriste asséchera un peu l’électorat de droite Zemmour/Le Pen, mais peu car Pécresse demeure européenne, atlantiste et mondialiste.

La chute de Macron, amplifiée par son bilan et par son retard à l’allumage dans la campagne 2022, pourra être ensuite amplifiée par la perte de son électorat à gauche mais celui-ci sera dispersé entre la multitude de candidats à gauche.

L’effet primaire populaire ( vert social démocrate dite « progressiste") n’a pas permis de constituer un matelas de récupération. Taubira (radicale de gauche), gagnante de la dite primaire populaire, plafonne à ce stade à 5 %. Malgré la descente de Jadot (verts) à 4 % et d'Hidalgo (socialiste)  à 4 % . Chacun de ces candidats récupérera des miettes de l’électorat plutôt à gauche de Macron.

Melenchon, (France Insoumise), au pouvoir très solitaire, ancien trotskiste, issu du combat 2017 de faire valoir opposant dit de gauche à Macron pour laisser la place au duel Macron / Le Pen, ne peut pas récupérer l’électorat fut-il considéré de gauche, de Macron. Il restera à plafonner autour de 10 % .

Stabilité Melenchon - absence de dynamique primaire populaire

Le nouvel arrivant, Roussel du "vieux" parti communiste français, bénéficiera un tout petit peu de l’apport de la perte de l’électorat Macron mais peu car l’électorat, opposé au grand capital international, s’est déjà depuis longtemps éloigné de Macron, ne se faisant aucune illusion, dès le départ de son parcours éclair, sur lui.

Reste l’inconnue suivante, si le programme de Roussel  et sa campagne, qui présentent aujourd'hui une certaine dynamique, réussissent à rétablir la confiance dans la mise en œuvre de quelques principes républicains auxquels les Français demeurent fondamentalement attachés. Le candidat Roussel ne pourrait-il pas récupérer un fragment de la base populaire  partie, par déception de l’approche verte social-démocrate convertie au grand capital international, vers l'abstention voire vers les sirènes de l’extrême droite ?

Dynamique Roussel qui dépasse désormais la gagnante de la "primaire populaire"

Nous pourrions alors obtenir le 10 avril prochain un premier tour configuré ainsi :

A droite

Pécresse (Républicains)  18/20 %, reprenant le socle électoral de Macron d’aujourd’hui, et bénéficiant des soutiens financiers ad hoc

Le Pen (rassemblement National) et Zemmour s’équilibrant chacun autour de 12/14 %

Macron  (En Marche) 10/12 %, s’il se représente.

A gauche

Un premier paquet rassemblant l’électorat vert/social démocrate/, avec potentiellement un vase communicant entre eux sans dépasser les 8% pour un ou une candidat, ces trois candidats n’imprimant à ce jour aucune dynamique particulière dans la campagne avec la répartition suivante,

Taubira (radical de gauche, candidate de la dite primaire populaire) 4/6%

Jadot (verts) 4/6%

Hidalgo ( Socialiste) 4/6 %

Melenchon (France Insoumise) , qui talonne autour de 8/10 %

Roussel (parti communiste), bénéficiant du renouveau,  de sa dynamique de campagne, et du transfert de l’électorat parti un temps vers l'abstention ou vers l'extrême droite, qui s’installe alors potentiellement dans la course pour le deuxième tour à 12/14 %

Nous ne pouvons pas alors exclure un score très dispersé avec un seuil très bas autour de 14 % pour l’éligibilité au deuxième tour avec une configuration inédite pour celui-ci

La densité et la profondeur de la campagne électorale, le contenu des programmes, le débat public non seulement sur les projets mais aussi sur les personnes et les équipes qui soutiennent le ou la candidate, le contexte sanitaire et géopolitique, peuvent encore largement redistribuer de très nombreuses cartes.

Les questions portant sur le devenir des valeurs et principes républicains, l’exercice de la souveraineté démocratique, la place de la France et de l’Europe dans le concert des nations, la coopération, le développement durable et la paix à travers le monde, la lutte contre l’exclusion et la place de l‘homme dans la société, le respect des personnes comme des futures générations et de la planète, les enjeux bio-éthiques... autant de sujets à débattre !

La composition de la majorité républicaine qui permettra de conduire la France, en retrouvant l'unité des Français, dans un contexte général très difficile, restera un enjeu.

Pas sûr que la disparition de la France au profit d'une Europe élargie aux contours encore imprécis, et surtout aux principes peu établis, suffira à redonner confiance en l'avenir. Pas sûr non plus que le chaos dans le repli sur des extrêmes avec la mort de nos principes républicains et de notre démocratie constituent une issue positive.

Que vive la République, que vive la France !

Source des figures 

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/02/08/election-presidentielle-2022-que-montrent-les-principaux-sondages_6112830_4355770.html