Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le blog de Malicorne

Le blog de Malicorne

Journal d'un citoyen français, militant de la vie et de la liberté


Le nécessaire engagement des réacteurs EPR 2 pour renforcer en France le socle pilotable décarboné de la production d'électricité

Publié par Bernard Maillard sur 11 Décembre 2022, 22:22pm

Catégories : #Economie, #Géopolitique, #politique, #énergie

Contribution au débat public sur le programme EPR 2 publiée ce jour 11 décembre 2022, mis à jour le 12 décembre 2022

https://participer-debat-penly.cndp.fr/

Les inadmissibles risques avérés de délestage en France dans l’hiver 2022/2023 illustrent l’urgence de devoir renforcer en France la production pilotable décarbonée de production d’électricité. Le soutien au parc nucléaire existant, et l’engagement prioritaire, dès maintenant, de son renouvellement avec les réacteurs EPR2 doivent constituer le socle de la reconstitution de cette production pilotable décarbonée disponible en France en complément de l’hydraulique.

En effet, le nécessaire équilibre temps réel entre la demande et l’offre d’électricité exige de disposer d’un socle pilotable robuste et disposant de marges significatives au regard des exigences de la sûreté électrique du système électrique. L’interconnexion concerne plus de 500 millions de clients en Europe et approvisionne en électricité des fonctions vitales en matière de santé, d’éducation, de grandes infrastructures de réseau d’intérêt général, et de sécurité.

De plus, la lutte prioritaire contre le risque d’effet de serre climatique exige de disposer de productions décarbonées d’électricité. L’intermittence pour certaines productions pouvant être très prononcée (en plein hiver, un facteur de 1 à 100 a pu être constatée dans la production éolienne en France qui a varié en janvier 2022 entre 150 et 15000 MW), cette lutte prioritaire contre l’effet de serre climatique exige de devoir disposer en premier lieu d’un socle pilotable décarboné robuste avant d’entreprendre tout programme de développement massif d’énergie intermittente. Cette garantie sur le socle pilotable décarboné doit être durable sur plusieurs décennies au regard du temps d’évolution du système électrique et des enjeux associés précédemment évoqués en matière de continuité d’alimentation électrique et de sûreté électrique du réseau interconnecté. L’absence d’un tel renforcement préalable du socle pilotable décarboné qui serait conjuguée au développement massif d’énergies intermittentes tel qu’il est aujourd’hui prévu serait de nature à augmenter très sensiblement les émissions de gaz à effet de serre et à renforcer encore le risque de délestage voire de black-out sur le réseau.

La production nucléaire d’électricité est une production pilotable décarbonée (4 grammes d’équivalent CO2 par kWh sur l’ensemble du cycle de vie, nettement inférieur au 15 g par kWh pour l’électricité produite par l’éolien, 55 g par le solaire, 418 g par un cycle combiné gaz et 1060 g pour la production par le charbon, cf page 16 du dossier de maitre d’ouvrage du programme EPR2). La production nucléaire française conjuguée à la production hydraulique permet d’ores et déjà à la France de disposer d’une électricité quasi décarbonée.

Ouvrant l’accès à une forte densité énergétique, l’énergie nucléaire permet d’économiser des ressources naturelles et foncières. La conception des réacteurs en France intégrant le suivi de charge sur le réseau, elle permet de garantir le caractère pilotable de la production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire. La taille optimale du parc, et la souplesse de planification des arrêts pour renouvellement du combustible et maintenance contribuent à la flexibilité requise par la saisonnalité de la demande en électricité.

La diversité de la ressource disponible en uranium à travers le monde, la possibilité de recyclage du plutonium et de l’uranium issus de la filière de retraitement des combustibles usés, le maintien de la fermeture du cycle du combustible, requérant la maitrise sur le long terme de la filière régénératrice à neutrons rapides, permettent de sécuriser durablement l’approvisionnement énergétique de la France, et de contribuer ainsi à celui de l’Europe.

La mesure dans l’engagement des ressources financières et humaines et la compétitivité du nucléaire par rapport aux autres sources d’énergie demeurent une caractéristique fondamentale à préserver pour permettre l’accès au plus grand nombre aux besoins vitaux en énergie.

Les exigences prioritaires de sûreté nucléaire, la forte densité énergétique, l’enjeu patrimonial, social, économique et environnemental que représente l’industrie nucléaire, impliquent en contrepartie une nécessaire gouvernance publique et une régulation de long terme préservant la prise en compte première de l’intérêt général, une stabilité institutionnelle, un contrôle démocratique, et des capacités scientifiques et industrielles entretenues sur la durée à travers plusieurs générations.

L’exigence prioritaire de sûreté nucléaire implique la responsabilité première pleine et entière de l’exploitant nucléaire, de la conception, à travers toutes les étapes d’exploitation, de maintenance et de mise à niveau, puis de déconstruction finale. Les accidents aux Etats Unis de Three Mile Island, sur un réacteur quasi neuf, en Ukraine de Tchernobyl lors d’un essai en exploitation, et de Fukushima au Japon lors d’un tsunami exceptionnel sur plusieurs réacteurs de fournisseurs distincts mais situés trop bas au regard du niveau de la mer, confirment cet indispensable rôle de l'exploitant dans la démonstration de sûreté. Le rôle de l'exploitant nucléaire dans la conception est fondamental car c'est lui en premier qui apporte et garantit la démonstration de sûreté devant l'ensemble des parties prenantes.

 

L’exploitant doit continuer à provisionner, financer et demeurer pleinement partie prenante du traitement ultime des déchets résiduels nucléaires, fût-il exercé par d’autres opérateurs industriels que lui-même, traitement dont il porte la responsabilité devant les générations futures.

La stabilité de la gouvernance de l’exploitant nucléaire constitue un enjeu de sûreté nucléaire.

Cette exigence de sûreté nucléaire implique toutes les parties prenantes en matière de culture de sûreté nucléaire. Qu’elles relèvent au premier niveau de la filière industrielle nécessaire pour les activités de recherche, d’études, de construction, de maintenance ou de contrôle pour lesquelles l’exploitant doit pouvoir faire appel tout en en assurant la maitrise d’ensemble au titre de sa responsabilité d’exploitant nucléaire. Qu’elles relèvent également de toutes les fonctions de contrôle et d’inspection, ou des fonctions exercées par les Pouvoirs Publics dans l’exercice de leur mission d’autorité ou de contrôle.

Cette culture de sûreté nucléaire, développée à travers les enseignements tirés de l’histoire industrielle de l’industrie nucléaire à travers le monde, doit pouvoir s’exprimer non seulement dans la robustesse des organisations, des rôles et des responsabilités, notamment tel qu’évoqué plus haut pour la responsabilité de l’exploitant nucléaire,  mais aussi, dans les modes de travail et d’expression, en matière de rigueur, de prudence, de prise en compte des inéluctables incertitudes, d’attitude interrogative et de communication, à travers toutes les compétences déployées et mises en œuvre.

Le contrôle indépendant de l’exploitant exercé par l’Autorité de sûreté nucléaire, supervisée elle-même par les Pouvoirs publics, et s’appuyant sur une solide  expertise scientifique et technique, ainsi que sur les meilleures pratiques internationales disponibles, permet de garantir la pertinence des dispositions ainsi prises dans une démarche intégrée en matière de sûreté nucléaire dans laquelle les dispositions socio-organisationnelles et culturelles sont tout aussi importantes que les dispositions techniques et industrielles.

La prolongation actuelle du parc nucléaire existant français s’établit dans cette démarche mais ne saurait suffire aux besoins d’un socle pilotable décarboné de production d’électricité à l’échelle requise sur plusieurs décennies. Si des réacteurs de conception similaire à ceux du parc existant en France obtiennent aux Etats Unis des autorisations de fonctionnement à 80 ans, la perspective d’un tel allongement de la durée de fonctionnement du parc nucléaire français peut être pertinente, mais ne saurait suffire pour garantir le socle pilotable de production d’électricité décarbonée dont la France a besoin dans les prochaines décennies. En effet, les risques avérés et inadmissibles de délestages dans l’hiver 2022/2023 sont apparus après une décennie de recul en France comme en Europe avec une  non prise en considération du nucléaire comme un atout stratégique majeur pour la production pilotable décarbonée d’électricité. L’arrêt prématuré de Fessemheim en 2020, la loi qui prévoit toujours à ce stade le bridage de la puissance installée nucléaire et l’arrêt anticipé de 14 réacteurs, l’arrêt des études sur la filière rapide, et la léonine régulation Arenh qui asphyxie l’exploitant nucléaire illustrent ce dénigrement dans un contexte regrettable de déindustrialisation et de régression de la France comme de l’Europe.

L’urgence en France est aujourd’hui de renforcer d’abord et profondément le socle pilotable décarboné dans la production d’élctricité. Les solutions alternatives au nucléaire en matière de pilotage décarboné, stockage chimique ou hydrogène sont encore très éloignés de la maturité industrielle de l’industrie nucléaire. Le stockage hydraulique, qui permet aujourd’hui à la France avec le nucléaire de disposer d’une électricité déjà quasiment décarbonée, a quant à lui une perspective de développement qui demeure limité, tout du moins en France.

En complément du nécessaire soutien au parc nucléaire existant, pour renforcer les marges sur le socle pilotable décarboné, et pour tenir compte des délais de remobilisation industrielle et de réalisation, il convient dès à présent de lancer l’engagement de nouveaux réacteurs pour permettre a minima, et dans les meilleurs délais possibles, le renouvellement du parc existant.

Les réacteurs de troisième génération apportent un triple avantage en matière de sûreté, la prise en compte d'un accident grave et de ses conséquences, la diminution d’un facteur dix dans le risque de fusion du cœur avec notamment prise en compte d'un  haut degré d'agressions internes et externes, et la limitation des conséquences en cas d' accident grave, avec démonstration robuste de l'absence de conséquence potentielle de long terme pour les populations et le territoire d' accueil du réacteur.

 Le réacteur EPR 2 répond à ces trois objectifs.

Sa conception est une évolution des réacteurs actuels dont il reprend une grande partie des composants et dont il bénéficie de tout le retour d’expérience.
Le déploiement industriel du programme EPR 2 bénéficie déjà d’un premier retour d’expérience avec les réacteurs EPR déjà en service en Chine et en Finlande, et de tout le retour d’expérience du parc existant en France. Cette décision doit pleinement s’intégrer dans une perspective de démarche intégrée en matière de sûreté nucléaire qui doit demeurer la première des priorités, et avec une culture de sûreté partagée avec toutes les parties prenantes, telle que décrite plus haut. Cette démarche bénéficiera, l’expérience le démontre, à la performance industrielle elle-même de toute la filière.

Les difficultés de réalisation des réacteurs EPR de  Flamanville 3 et de Olkiluoto 3  en Finlande illustrent la perte de maîtrise industrielle en Europe dans les années 2000-2020. La mise en service en Chine de Taishan 1 et 2, puis celle de Olkiluoto 3 a permis de confirmer la pertinence de la conception des réacteurs EPR tout en permettant de corriger les inéluctables mises au point nécessaires pour un réacteur tête de série. La prise en compte, en lien avec les fournisseurs potentiels, de la faisabilité industrielle, enjeu de sûreté, dans les réacteurs EPR 2, permet de concevoir à présent un programme industriel cadencé permettant de mieux garantir les coûts et délais de réalisation. Un tel programme industriel cadencé permet aux industriels d'investir sur le moyen terme et de bénéficier du retour d'expérience de réalisation.

Les petits réacteurs SMR, s’ils présentent des opportunités pour les nouveaux pays entrants dans le nucléaire, ou pour les petits systèmes électriques insulaires, ne sauraient constituer une réponse suffisante pour les besoins quantitatifs du socle pilotable décarboné de la France et de l’Europe, la démonstration de la faisabilité industrielle et économique demeurant par ailleurs à établir. Si ces réacteurs , par leur taille et les innovations dont ils sont porteurs, peuvent présenter des avantages sur le plan de la conception en matière de sûreté, ils ne sauraient être écartés d’une démarche intégrale de sûreté telle que décrite plus haut dans la laquelle le rôle de l’exploitant et la culture de sûreté partagée constituent des fondamentaux incontournables.

La filière à eau pressurisée, maîtrisée en France dès les années 60 pour la propulsion navale, bénéficie aujourd'hui dans le monde d'un très large retour d'expérience avec plus de 20 000 années cumulées d'exploitation de réacteur.
 

La filière à neutrons rapides doit continuer à faire l'objet d’études car elle apporte des avantages à long terme pour la valorisation des matières fissiles et fertiles. La faisabilité industrielle, comme la démonstration de sureté avec prise en compte des objectifs de sûreté des réacteurs de troisième génération n’est pas encore établie à ce stade. En particulier, les événements d'anti-réactivite ayant concerné les réacteurs français Rhapsodie et Phénix et les réacteurs rapides aux US, n'ont pas encore trouvé à ce stade une explication convaincante.

Le réacteur d'études Horowitz est encore en cours de démarrage. Le CEA doit renforcer sa maîtrise dans la conception et le développement de réacteurs dans son domaine de compétences, les réacteurs de recherche et de formation, indispensables et complémentaires à tout ce qui peut être très largement développé sur le plan numérique.

 EDF, quant à lui, premier exploitant nucléaire au monde, doit être conforté dans son rôle d'architecte ensemblier et non soumis, en premier lieu pour des questions de sûreté nucléaire, à des instabilités d'ordre institutionnel ou réglementaire. La régulation léonine et prédatrice Arenh doit être abandonnée au profit de nouvelles régulations permettant le financement du programme EPR 2.

La nécessaire prise en compte du long terme, la valeur ajoutée du nucléaire pour l’intérêt général, et la nature des risques induisent des modes de financement adaptés au profil d’investissement très capitalistique que constitue le nucléaire. La contribution indispensable de la puissance publique associée à des parties prenantes industrielles ou autres potentiellement intéressées à ce type de profil de long terme, induisent une gouvernance spécifique avec une attention partagée dans la répartition et la maitrise des risques de différentes natures, institutionnelle, industrielle, financière, économique, sociale et sociétale. 

L’intégration sur la durée plus que centennale des réacteurs sur leurs territoires d’accueil exige un partenariat de long terme pleinement cohérent avec ces dispositions, la proximité territoriale et humaine renforçant l’exigence locale de dialogue, de concertation, de transparence et de communication.

matin de décembre 2022, Bretagne

matin de décembre 2022, Bretagne

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents