Le développement de nouveaux réacteurs, EPR2 dont la décision est attendue très prochainement en France, de petits réacteurs annoncés comme facilitant l’accès au nucléaire pour les nouveaux pays entrants dans le nucléaire, SMR (Small Modular Reactors), et de réacteurs potentiellement très innovants de toute nature, (« effet start up… réacteurs AMR, Advanced Modular Reactor » ) dans des usages aussi diversifiés que la production d'électricité, la production d'hydrogène ou la propulsion navale ou spatiale, fait l’objet d’annonces de plus en plus fréquentes.
En parallèle, le numérique se développe et se généralise dans les études, comme dans la réalisation ou pour l'exploitation, avec un déploiement de l'IA, de l'intelligence dite artificielle, dans un univers virtuel nous éloignant potentiellement de toute appréhension et compréhension humaine de la réalité physique.
Or le risque d'accident ne sera jamais nul. La sûreté nucléaire permet, par des dispositions techniques, humaines et organisationnelles, de permettre l'exploitation, de prévenir un accident nucléaire, et en cas hypothétique accident, de limiter les conséquences pour l'exploitant, la population, le territoire d'accueil et l'environnement.
Aussi, la nécessaire prise en compte de la priorité première de la sûreté nucléaire, le retour d’expérience induit par désormais 20 000 années cumulées d’exploitation à travers le monde, et la numérisation croissante de nos sociétés, appellent à une attention spécifique, par tous les acteurs institutionnels, investisseurs ou industriels engagés dans le développement du nucléaire, sur les point suivants :
- la nécessaire responsabilisation et implication continue et permanente de l’exploitant nucléaire dans la démonstration de sûreté, des premières études et tout au long de la réalisation et de l’exploitation des réacteurs
- la compréhension des phénomènes physiques fondamentaux pour la maitrise de la sûreté nucléaire (la sûreté nucléaire relève d’abord d’une réalité physique et non d’une réglementation voire d'une simple fiction)
- la maitrise de la modélisation, de la simulation numérique, et des données d’entrées prises en compte, avec maitrise des modèles physiques sous-jacents
- la disponibilité de réacteurs de recherche et de diverses boucles d'essais expérimentales permettant de confirmer la validation des modèles de simulation et les données d'entrées prises en compte dans ces simulations
- les qualifications tant techniques qu'humaines, en conséquence, pour les démonstrations de sûreté et pour le développement industriel
- la confirmation, avec le retour d'expérience disponible, le plus large possible (savons nous tirer tout le retour d'expérience des événements de réactivité négative de Rhapsodie en 1978, de Phénix en 1988/89 et des réacteurs rapides américains en 1974?), de marges de sûreté robustes permettant de tenir compte des incontournables incertitudes et de faire face aux aléas de toute nature avec une défense en profondeur suffisante
- une compétence et une capacité industrielle et scientifique associée, avec transmission des éléments clés aux différents partenaires scientifiques et industriels et de générations en générations
- un environnement institutionnel stable avec une gouvernance publique prenant en compte l’intérêt général, les signaux faibles et potentiellement précurseurs, et les enjeux de long terme, avec une gouvernance publique disposant à ses cotés d'une expertise scientifique et technique compétente conjointement dans les domaines explorés par les innovations industrielles et en matière de sûreté nucléaire, et d'une Autorité de sûreté nucléaire indépendante des exploitants.
Ceci concerne évidemment toute évolution et mise à niveau du parc nucléaire existant et de manière tout aussi importante, et déterminante, pour tout nouveau réacteur, aussi innovant soit-il.
Concernant la conduite des actions, elles doivent être menées à tous les niveaux d’expertise, de décision comme d’exécution de manière rigoureuse, prudente, intègre, ouverte, interrogative, et transparente, comme il doit en être en matière de culture de sûreté pour toute question de sûreté nucléaire.