La CRE, la Commission de régulation de l’Energie en France, apporte le 19 juillet 2023 ( délibération numéro 2023-200 en date du 13 juillet 2023) des données importantes sur l’aberration de la régulation existante du marché de l’énergie en France et en Europe au regard des deux luttes prioritaires et conjointes, contre le risque climatique et pour le maintien du pouvoir d’achat du consommateur et du contribuable.
Le montant total des charges prévisionnelles liées aux boucliers et amortisseurs à compenser au titre de 2023 s’élève suivant la CRE à 24 911,6 M€, dont 23 561,1 M€ pour les fournisseurs d’électricité. Les coûts prévisionnels pour 2024 ne sont pas encore établis, les dispositifs n’étant pas établis à ce stade pour 2024. Ce coût pour la puissance publique des boucliers et amortisseurs pour la seule année 2023 représente la moitié du coût d'investissement des 6 prochains EPR2 à Penly, Gravelines et Bugey dont les conditions réglementaires de financement ne sont toujours pas à ce jour établies.
Le montant total des charges prévisionnelles de service public de l’énergie au titre de 2024 pour les finances publiques est par ailleurs évalué par la CRE, à un coût prévisionnel de 696,0 M€ pour 2024 après une « charge négative » pour les finances publiques de 1 687,3 millions d’euros en 2023, les montants très élevés constatés sur les marchés de gros de l’électricité ayant induit ces « charges négatives ».
Ainsi, nous sommes dans la pleine illusion d’un gain induit pour la puissance publique par les dispositifs de soutien public pour la production intermittente de production d’électricité alors que la puissance publique compense par ailleurs, à un coût particulièrement très élevé, des aberrations de la régulation de marché.
Cette régulation demeure particulièrement éloignée des fondamentaux économiques de long terme.
Elle ne permet pas de déployer les nécessaires conditions réglementaires et financières de renouvellement de l’indispensable parc de production pilotable décarbonée d’électricité pour la lutte contre le risque d’effet climatique.
En effet,
en métropole, les dispositions de soutien aux ENR électriques sont prévus d’induire une « charge négative » de 4 765,2 millions d’euros en 2023[1] et 2 682,6 millions d’euros en 2024[2], avec notamment :
- l’éolien terrestre qui induit une « charge négative » de 3 957,9 millions d’euros en 2023 et de 2 963,2 Millions d’euros en 2024
- L’éolien en mer qui induit une « charge négative » de 105,6 millions d’euros en 2023 et de 35,6 Millions d’euros en 2024
- Le photovolatïque qui induit une « charge négative de 97,6 millions d’euros en 2023 et un surcoût de 591,1 millions d’euros en 2024.
Ces « charges négatives », ces recettes potentielles pour les finances publiques, s’établissent à partir d’une prévision des prix sur le marché de gros de l’électricité, d’une estimation du coût évité et de l’énergie vendue à terme avec un coût moyen retenu pour ces prévisions de prix à terme de 235,9 €/MWh pour 2023[3] et de 191 €/MWh, à la baisse[4], pour 2024[5].
Ces prix et coûts in fine pour le consommateur et le contribuable sont à mettre en perspective avec :
1/ les contrats en cours d’obligations d’achat par EDF en 2023[6] et en 2024[7]
- Coût de l’éolien à terre, 96,9 Euros le MWH en 2023 et 100,8 Euros le MWH en 2024
- Coût de l’éolien en mer 179,1 euros le MWh et 187,9 Euros le MWh en 2024
- Coût du photovoltaique 244,2 euros le MWh en 2023 et 244,1 euros le MWH en 2024.
2/ les prix annoncés à la baisse pour ces différentes productions intermittentes avec les nouveaux mécanismes de soutien et d’accompagnement ( cf dernier appel d’offres sur éolien en mer en Manche à 45 euros le MWh pour un couplage prévisionnel en 2031)
3/ le coût de cession aux fournisseurs dits alternatifs d’une très large partie de la production nucléaire d’EDF obligé par l’Arenh de céder aux fournisseurs dit alternatifs une partie de sa production nucléaire à 42 euros le MWh, prix fixe depuis 2012
4/ une électricité déjà décarbonée d’EDF grâce au parc hydraulique et nucléaire existant (France 56 gCO2/kWH en 2022, contre 387 gCO2/kWh en Allemagne, et 460 gCO2 /kWh en moyenne à travers le monde)
5/ une exportation d’électricité de la France qui, avec notamment l'hydraulicité de 2023 et la disponibilité du nucléaire partiellement retrouvée en 2023 par rapport à 2022, a retrouvé sa dynamique (maximum d’exportation le 31 mars 2023 à 17 636 MW)
6/ un financement qui reste à établir pour les 6 réacteurs EPR 2 en cours de lancement à Penly, Gravelines et Bugey, pour un coût prévisionnel annoncé en 2020 de 51,7 Milliards d’euros. Ce renouvellement de la production pilotable décarbonée est indispensable pour garantir à terme le socle pilotable décarboné de la production d’électricité de la France. Le coût des amortisseurs et boucliers en 2023 financés par la puissance publique et donc par le contribuable, auprès des fournisseurs d’électricité, représente la moitié du coût de ce renouvellement.
A noter enfin que le montant des Charges prévisionnelles pour 2023 du soutien au zones non interconnectées électriquement[8] 2 206,1 millions d’euros en 2023 et de 2 457, 9 millions d’euros, est en augmentation pour 2024.
Le total des charges prévisionnelles associées aux dispositifs sociaux électricité et gaz, de lutte contre l’exclusion et la précarité s’élève à 46,2 millions d’euros en 2023 et à 44,9 M€, en diminution, en 2024.
Pour retrouver les autres articles du Blog de Malicorne sur l’énergie
https://malicorne.over-blog.com/tag/energie/
Pour une synthèse et une mise en perspective
[1] Synthèse de l’annexe 2 de la délibération CRE 2023-200 du 13 juillet 2023
Synthèse de la[2] Annexe 1 de la délibération CRE 2023-200 du 13 juillet 2023, charges prévisionnelles 2024
[3] Page 4 annexe 2 de la délibération CRE 2023-200 du 13 juillet 2023
[4] L’une des causes de cette baisse des prix à terme sur le marché de gros de l’électricité en France provient en premier lieu du redressement de la disponibilité du parc nucléaire français, avec une perspective de production
[5] Page 4 de l’annexe 1 de la délibération CRE2023-200 du 13 juillet 2023
[6] Page 9 de l’annexe 2 de la délibération CRE 2023-200 du 13 juillet 2023
[7] Page 9 de l’annexe 1 de la délibération CRE 2023-200 du 13 juillet 2023
[8] La notion des zones non interconnectées (ZNI) au réseau électrique de la métropole continentale couvre les terri-toires suivants : Corse, Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Guyane, Mayotte, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, les îles bretonnes de Molène, d'Ouessant, de Sein et l’île anglo-normande de Chausey. Les collectivités territoriales autonomes Polynésie française et Nouvelle-Calédonie ne sont pas assimilées aux ZNI alors qu’elles font cependant partie de la France