Publication en France par la CRE, la Commission de régulation de l’Energie, le 23 juillet 2024 de la délibération numéro 2024-139 en date du 11 juillet 2024 relative aux charges de service public de l’énergie pour 2024 et 2025.
Ces charges, dont le total annoncé pour 2025 est de 8,9 milliards d’euros, est en hausse significative par rapport à 2024 ( 4,2 Milliards d’euros). Elles permettent notamment de financer le soutien en métropole aux énergies renouvelables intermittentes (4,3 Milliards d’euros), la solidarité de la métropole pour les zones non interconnectées électriquement (3 Milliards d’euros), et la lutte contre la précarité et l’exclusion (40 millions d’euros ).
En 2022 et 2023, ces charges de service public de l'énergie ont également permis de soutenir exceptionnellement le pouvoir d’achat dans un contexte d’hyper spéculation (coût exceptionnel de 26,3 milliards d’euros).
Ces éléments appellent les commentaires suivants qui illustrent la profonde défaillance actuelle de la gouvernance publique en France :
1/ Le coût pour la puissance publique du soutien du pouvoir d’achat dans un contexte d’hyper spéculation de 2022/2023 a été particulièrement exorbitant et inefficace, déconnecté de toute réalité économique, et d’aucune utilité au regard de la nécessaire préparation de l’avenir du système électrique.
Le coût global pour les charges de service public des dispositifs exceptionnels déployés en 2022/2023 de protection des consommateurs d’électricité et de gaz est évalué à 26,3 Milliards d’Euros, dont 21,5 Milliards pour l’électricité et 4,8 Milliards d’euros pour le gaz.
La quasi-totalité de ces charges ont été enregistrées en 2022 et 2023, dans un contexte conjoint de perte de disponibilité du parc de production français, de tensions géopolitiques et de montée de l’hyper spéculation (« ruban » électricité 2023 à plus de 1000 euros le MWh le 26 aout 2022, hors de toute réalité économique, alors que les 100 TWh mis à disposition des fournisseurs dits alternatifs par l’Arenh nucléaire demeuraient figés à 42 Euros le MWh).
Rappelons qu’en 2022, la faible hydraulicité et la faible disponibilité du parc nucléaire du fait d’un aléa industriel ( corrosion sous tension constatée sur les réacteurs 1300 MWe et N4) avaient entrainé une augmentation restée limitée en France en 2022 de la production d’électricité par le gaz ( 10 % de la production d’électricité de la France en 2022 et 6 % en 2023) et, pour la première fois depuis une quarantaine d’années, une importation nette en électricité en 2022 de 16,5 TWh pour une facture nette de 7 Milliards d’euros en 2022, dans un contexte de forte tension sur le plan géopolitique.
La France était cependant redevenue exportatrice en électricité dès 2023 avec une exportation de 50,1 TWh et une balance commerciale en électricité positive de 4 Milliards d’Euros.
Ces mesures publiques de protection ont particulièrement aggravé le déficit public déjà très lourdement dégradé. Elles n‘ont pas permis d’écarter une profonde inflation en 2022 et 2023 du prix de l’électricité pour les particuliers comme pour les entreprises, avec notamment un très grand nombre de faillites de petites et moyennes entreprises. N’ont-elles pas servi d’abord à entretenir une hyper spéculation dans le cadre d’une régulation profondément défaillante ???
Ces 26 milliards d’euros qui ont ainsi soutenu en premier lieu la spéculation sont à comparer aux budgets 2025 de l’Education nationale 65 milliards d’Euros, de la défense 50 milliards d’euros, de la justice 11 milliards d’euros, au coût d’investissement des six prochains EPR 2 (51 milliards d’euros, coût 2010)…
Pour mémoire, le coût obligé de cession aux fournisseurs dits alternatifs d’une très large partie de la production nucléaire d’EDF, 100 TWh, par l’Arenh aux fournisseurs dit alternatifs à 42 euros le MWh, prix fixe depuis 2012 et qui le restera jusqu’au 31 décembre 2025, suivant la loi "NOME" du 7 décembre 2010, est toujours en vigueur.
Les modalités de financement des indispensables nouveaux EPR ne sont quant à elles toujours pas, ni établies, encore moins sécurisées.
2/ La très grande difficulté des Pouvoirs Publics à établir une prévision budgétaire fiable, d’où l’exigence de la plus grande transparence possible sur les flux financiers impliquant la puissance publique, et sur tous les mécanismes de soutien public.
Le montant total des charges prévisionnelles de service public de l’énergie au titre de 2024 pour les finances publiques avait été évalué initialement en 2023 à un coût prévisionnel initial de 647,3 millions d’euros. Elles ont été réévaluées en un an seulement très nettement à la hausse à un coût de 4,196 Milliards d’euros pour 2024, soit une multiplication par plus de 6 !
Qu’en est il de la fiabilité de la prévision des charges pour 2025, (8,9 Milliards d’euros) déjà en augmentation significative par rapport à 2024 ???
Ces évolutions prennent en compte conjointement les conséquences des évolutions des coûts directs de la production intermittente soutenue et les perspectives d’évolution des prix de marché de gros, qui dépendent au premier ordre de la disponibilité des moyens de productions pilotables.
Ne convient-il pas également de rappeler les prévisions illusoires[1] de recettes induites par les « charges négatives » de la production intermittente dans un contexte de marché de gros d’électricité hyper spéculatif de 2022/2023 ?
3/ Le coût qui demeure significatif et excessif du soutien aux productions intermittentes, alors que le déficit des budgets publics de la France demeure particulièrement abyssal par ailleurs, que l’électricité française est déjà décarbonée et qu’il convient d’abord de renforcer le pilotable décarboné dans la production d’électricité pour garantir durablement l’efficacité de la lutte prioritaire contre le risque climatique[2].
Le coût total du soutien aux énergies ENR électriques intermittentes en métropole est prévu de s’élever à 4 335 Millions d’euros en 2025, en augmentation significative par rapport à 2024 (2 525 millions d’euros).
- Le soutien de l’éolien terrestre induit en 2025 une charge de 233,7 millions d’euros de charges pour un coût moyen de rachat de 102,0 euros le MWh (à la hausse par rapport à 2023, 96,8 euros le MWh)
- Le soutien de l’éolien en mer induit en 2025 une charge de 595,9 millions d’euros avec un coût moyen de rachat de 195, 3 euros le MWh, (à la hausse par rapport à 2023, 183,8 euros le MWh)
- Le soutien du solaire photovoltaïque induit une charge de 2 853,4 millions d’euros avec un coût moyen de rachat de 226,4 euros le MWh ( à la baisse par rapport à 2023, 263,5 euros le MWh)
Il convient également de garder en mémoire que ce coût direct du soutien des productions intermittentes ne comprend pas le coût induit pour le développement et l’adaptation en conséquence du réseau électrique, coût qui s’élève à plus de 100 milliards d’euros, et qui doit bien par ailleurs être financé, soit par le contribuable, soit par le consommateur d'électricité.
4/ Le montant des charges prévisionnelles pour 2025 du soutien au zones non interconnectées électriquement, de 3 000,6 millions d’euros, est en augmentation sensible par rapport à 2024 ( 2 425,8 millions d’euros).
Ceci illustre la non-atteinte encore à ce stade d’un système électrique décarboné, isolé, compétitif en l’absence de production nucléaire et ce malgré une pénétration de plus en plus large des énergies renouvelables.
5/ Enfin, le total des charges prévisionnelles associées aux dispositifs sociaux électricité et gaz, de lutte contre l’exclusion et la précarité s’élève à 39,7 millions d’euros en 2025. Ce montant déjà très faible par rapport aux autres charges de service public de l’énergie, est en diminution par rapport à en 2024 (41,4 millions d’euros).
Ce montant très marginal demeure très interpellant alors que l’extrême pauvreté n’est hélas toujours pas éradiquée en France.
Pour retrouver les autres articles du Blog de Malicorne sur l’énergie
https://malicorne.over-blog.com/tag/energie/
[1]https://malicorne.over-blog.com/2023/07/aberration-de-la-regulation-du-marche-de-l-electricite-france-et-europe-juillet-2023.html
[2] IL a été démontré que passé un certain seuil dans la puissance installée intermittente de production d'électricité, le développement prioritaire et massif de l’intermittence devant le pilotable décarboné conduit inéluctablement à une élévation des émissions de gaz à effet de serre. Ce seuil est déjà franchi en France avec une puissance intermittente de la production d’électricité dépassant les 30 % de la puissance totale électrique installée.https://malicorne.over-blog.com/2024/03/reinterrogation-du-developpement-massif-de-la-production-intermittente-d-electricite.html