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Le blog de Malicorne

Le blog de Malicorne

Journal d'un citoyen français, militant de la vie et de la liberté


Contribution à la consultation Politique énergétique France PPE novembre 2024

Publié par Bernard Maillard sur 8 Novembre 2024, 13:17pm

Catégories : #Economie, #Géopolitique, #la mer, #politique, #énergie

Le Gouvernement a mis en consultation le projet de Politique énergétique pour les prochaines années

https://concertation-strategie-energie-climat.gouv.fr/le-contexte-francais-en-matiere-de-politique-climatique-et-energetique

Dans la perspective de lutter activement contre le risque climatique, d’assurer la sécurité d’approvisionnement de la France, et de soutenir le pouvoir d’achat des consommateurs français et la compétitivité des entreprises françaises, ces éléments nécessitent un examen approfondi. 

La consommation énergétique de la France se décompose ainsi :

34 % dans le transport, dont 90 % de la consommation finale par des produits pétroliers

28 % dans le résidentiel, dont 34 % par l’électricité, 28 % par les énergies renouvelables thermiques et les déchets, 24 % par le gaz, et 8 % par les produits pétroliers dans la consommation finale

19% dans l’industrie, dont 37 % par l’électricité et 36 % par le gaz dans la consommation finale

16% dans le tertiaire, dont 55% par l’électricité, 25% par le gaz dans la consommation finale,

3 % dans l’agriculture

 La France présente depuis 2020 une décroissance de la demande en électricité. Après un plateau légèrement déclinant autour de 480 TWh de 2011 à 2019, la forte décroissance depuis nous ramène en 2023, avec une demande de 445 TWh, à un niveau de la demande en électricité du début des années 2000. Dans la même durée, la population française a augmenté de 8 millions d’habitants en passant de 60 millions d’habitants en 2000 à plus de 68 millions d’habitants aujourd’hui.

L’introduction attendue de 18 millions de véhicules électriques d’ici 2035 correspond à un demande complémentaire de 35 TWh compensant ainsi cette décroissance de la demande, et accessible avec le parc actuel en exploitation.

La pénétration de l’électricité décarbonée dans le résidentiel et le tertiaire se fait en développant désormais l’autoproduction locale. La France compte en effet désormais plus d’un million d’auto producteurs. Elle se développe également en développant la sobriété énergétique au plus prés du besoin en énergie. Le placement des pompes en chaleur induira en conséquence en premier lieu un appel en puissance, donc en moyen pilotable, et peu en volume.

Les besoins pour la production décarbonée d’hydrogène par électrolyse sont évalués à 40 TWh d’ici 2035. Plus largement, les besoins de l’industrie seront fonction de la compétitivité de l’électricité disponible. Actuellement en 2024, la France est quasi quotidiennement exportatrice d’électricité. En 2023, la balance physique a été de 50 TWh, avec une balance commerciale positive en électricité de 4 Milliards d’euros.

Dans la nécessaire lutte prioritaire contre le risque d’effet de serre, il convient de rappeler que la France dispose d’ores et déjà d’une électricité hyper décarbonée, (45 gCO2 par kWh en France en 2023 à comparer par exemple au 425 gCO2/kWh en Allemagne). Ce résultat est obtenu grâce au parc hydroélectrique et nucléaire qui fournissent respectivement une électricité à 6 g et 4 g de CO2équivalent par kWh. A noter que ces deux modes de production d’électricité sont pilotables. Le caractère pilotable en fonction de la demande en électricité était prévu dès la conception du parc nucléaire existant. Pour le parc hydroélectrique cette fonction pilotable ne concerne pas tout le parc mais elle l’est de manière cruciale et fondamentalement stratégique à travers d’une part les grands ouvrages de retenue et d’autre part les fonctions de stockage d’énergie apportées par les stations de pompage hydraulique, les STEP.

Le caractère pilotable dans la production d’électricité est un élément fondamental pour garantir l’équilibre à tout instant entre la demande en électricité et la production. Cet équilibre doit tenir compte des variations de la demande en électricité en fonction des conditions climatiques et économiques. La demande varie en France de l’ordre de 1 à 3 entre la faible demande en électricité en été, et la plus importante en hiver. Ainsi la demande électrique en France a varié en 2023 entre 28530 MW minimal et 83876 MW au maximum[1].

Le parc français de production, hyper-décarboné, est aujourd’hui parfaitement adapté à ces variations de la demande en électricité.

La priorité une de la PPE devrait porter en conséquence sur la sécurisation sur le long terme pour la France de ces deux fonctions pilotables décarbonées que sont le parc hydroélectrique et le nucléaire.

Pour le parc hydroélectrique un contentieux dure depuis de trop longues années  avec les instances européennes. Au regard de la proportionnalité des enjeux et de la subsidiarité, ce contentieux n’a pas lieu d’être et doit être clos. La sécurisation du patrimoine hydroélectrique et son développement doit alors permettre de sécuriser voire de développer le productible hydraulique, en tenant compte conjointement, et des enjeux de sûreté hydraulique, et des évolutions climatiques potentiellement à venir dans un contexte de multi usages de l’eau.

Pour le nucléaire, la création de valeur est établie pour l’essentiel sur le territoire français, et la fermeture du cycle de combustible nucléaire constitue un élément fondamental pour la sécurité d’approvisionnement de long terme. La mise à disposition à des fournisseurs dits alternatifs par la léonine et spéculative ARENH de 100 TWH à coût fixe de 42 euros le MWh depuis 2012 jusqu’à fin 2025  aura coûté excessivement cher au producteur historique avec conjointement une destruction significative de valeur pour le consommateur comme pour le contribuable français.

La poursuite de l’exploitation du parc existant en toute sûreté et le nécessaire renouvellement du parc nucléaire requièrent de rétablir au plus tôt un mode de rémunération, pour l’ensemble du parc nucléaire, garantissant conjointement, et sur le long terme, une stabilité pour le consommateur et une prise en compte de la performance industrielle comme du risque industriel porté par l’opérateur industriel. Au regard de la proportionnalité des enjeux de court et de long terme, et du principe de subsidiarité, ce mode de rémunération relève des Pouvoirs Publics français.

Après un fort aléa industriel en 2022[2], la mobilisation industrielle a permis de retrouver pour le parc nucléaire existant une disponibilité permettant à la France de retrouver une situation exportatrice dès 2023. La production du parc existant, avec Fessemheim[3] mais sans encore Flamanville 3[4] s’était élevée à 430 TWh en 2005. La production de 2023 du parc nucléaire s’est élevée à 320 TWh. Il est théoriquement possible de retrouver une partie de cet écart[5] de 110 TWh entre 2005 et 2023, et contribuer de manière significative à répondre aux nouveaux besoins d'ici 2035 en électricité décarbonée. Dans une perspective des besoins de moyens pilotables décarbonés, à moyen et long terme, le nécessaire renouvellement du parc nucléaire doit cependant être sécurisé sur le plan industriel.

Depuis 25 ans, date du dernier couplage d’un nouveau réacteur sur le territoire français, avec Civaux 2 construit en huit ans (début de construction le premier avril 1991 – premier couplage le 27 novembre 1999), la réalisation puis le démarrage de Flamanville 3, a permis de retrouver, sur le territoire et dans le contexte français, des compétences de réalisation dans le nouveau nucléaire, tout en mettant en évidence les marges de progrès au regard de l’historique en France et de ce qui se fait par ailleurs.

Avec les mêmes exigences de sûreté nucléaire, (qui sont d’abord de nature physique et non d’ordre législatif ou réglementaire), les Chinois ont mis 9 ans pour mettre en service les premiers réacteurs EPR de conception française (Taishan 1 – début de construction le 18 novembre 2009 – couplé le 29 juin 2018 – Taishan 2 début de construction le 15 avril 2010 – couplage le 23 juin 2019).

Le retour d’expérience des quatre premiers réacteurs EPR[6] désormais en exploitation et la standardisation industrielle effective avec un premier palier de 6 réacteurs EPR2 puis un deuxième palier 14 nouveaux réacteurs EPR 2, en préservant comme depuis le début de la réalisation et de l’exploitation du parc nucléaire français, la sûreté nucléaire en priorité une, le délai de réalisation doit pouvoir en conséquence descendre en dessous de 9 ans. Pour une décision en 2025, et au regard des premiers travaux préparatoires engagés depuis déjà de nombreuses années, le premier couplage d’un réacteur EPR2 doit pouvoir, avec la nécessaire double mobilisation institutionnelle et industrielle, avoir lieu en 2033. Cet objectif doit en conséquence être repris dans la PPE et non un objectif incertain et beaucoup trop éloigné 2038/2040.

L’introduction massive de productions intermittentes dépendant de conditions météorologiques très variables, (nébulosité, vent, …) induit des variations de productions d’électricité très largement supérieures à celles de la demande en électricité.  Ainsi la production éolienne, en janvier 2022, en plein hiver a varié entre 155 MW à 14848 MW, dans un rapport de 1 à 100. Cette intermittence à la production appelle à des dispositions de compensation à l’intermittence d’autant plus importantes que la capacité intermittente représente un niveau significatif dans la capacité totale de production d'électricité. 

Avec dès aujourd’hui une capacité de production intermittente qui dépasse en France les 30 % de la capacité de puissance installée, ces dispositions de compensation, pudiquement introduites dans le projet de PPE comme des besoins nouveaux de « bouquets de flexibilité » ont une très large incidence potentielle sur le plan environnemental, économique et social.  Des facteurs de risque complémentaires, non mentionnés, sont introduits sur les émissions de gaz à effet de serre (appel à des fonctions de pilotage au bilan carbone non neutre, voire carbonées par le gaz ou le charbon ),  voire sur la sécurité d’approvisionnement, avec un  risque accru de black-out sur l’ensemble du système électrique[7].

Le coût total pour le budget publicdu soutien aux énergies ENR électriques intermittentes   en métropole est prévu en juillet 2024 selon la CRE[8] de s’élever déjà à 4 335 Millions d’euros pour 2025, en augmentation significative par rapport à 2024 (2 525 millions d’euros).

  • Le soutien de l’éolien terrestre induit en 2025 une charge de 233,7 millions d’euros de charges pour un coût moyen de rachat de 102,0 euros le MWh (à la hausse par rapport à 2023, 96,8 euros le MWh)
  • Le soutien de l’éolien en mer induit en 2025 une charge de 595,9 millions d’euros avec un coût moyen de rachat de 195, 3 euros le MWh, (à la hausse par rapport à 2023, 183,8 euros le MWh)
  • Le soutien du solaire photovoltaïque induit une charge de 2 853,4 millions d’euros avec un coût moyen de rachat de 226,4 euros le MWh ( à la baisse par rapport à 2023, 263,5 euros le MWh) 

A noter que ces coûts pour la production intermittente d’électricité sont très en écart par rapport aux coûts de la PPE. Ceux-ci apparaissent particulièrement optimistes, notamment pour l’éolien marin, largement exposé aux intempéries marines, avec des coûts annoncés de 44 euros le MWH pour le posé et de 86 euros le MWh pour le flottant, même si des diminutions significatives de coût ont pu être réalisées entre les premiers projets et ceux qui sont développés aujourd’hui.

Ces coûts n’intègrent pas les coûts de la compensation à l’intermittence et de renforcement des réseaux électriques : ENEDIS et RTE annoncent chacun des montants d’investissement en augmentation significative  atteignant 100 milliards d’euros chacun d’ici 2040.

Au regard de l’absence de valeur ajoutée, voire de risque dans la lutte prioritaire contre le risque climatique, de risque sur la sécurité d’approvisionnement, et d’impact budgétaire, ce développement massif de la production intermittente, en métropole, doit désormais impérativement et résolument être réinterrogé dans la PPE.

Ceci n’empêche en rien, pour un simple investisseur, de prendre le risque par lui-même, d’investir, par choix, ou simplement par intérêt, d’investir dans de la production intermittente, notamment dans le cadre d’une intégration dans un projet local de territoire. Les externalités en matière de compensation à l’intermittence et de risques potentiel sur le système électrique doivent cependant être désormais intégralement portés en conséquence par cet investisseur et non plus par la puissance publique.

Par ailleurs, pour les systèmes électriques isolés, ne bénéficiant, ni du pilotable décarboné et compétitif de la métropole, ni de l’interconnexion d’un large système électrique, les mesures de soutien de la métropole (coût annoncé par la CRE pour 2025 de 3 000,6 millions d’euros, en augmentation sensible par rapport à 2024 - 2 425,8 millions d’euros) peuvent être poursuivies en préservant le maximum d’options ouvertes. Dans ces territoires, la poursuite du développement massif de la production intermittente, associés à des mesures locales potentiellement innovantes dans la compensation à l’intermittence, exigera une vigilance renforcée sur la réalité des coûts, l’efficacité industrielle, la pertinence des mesures prises sur le plan social, économique, et environnemental, et sur la pleine transparence sur l’usage des fonds publics.

Pour retrouver tous les articles sur l'énergie du Blog de Malicorne

https://malicorne.over-blog.com/tag/energie/


[1] Le maximum de puissance appelée et fournie remonte en France au 8 févier 2012 à 19h, à 102 098 MW

[2] Corrosion sous contrainte sur les réacteurs les plus récents

[3] 12 TWh par an pour les deux réacteurs les meilleures années

[4] l’EPR Taishan 2 a réalisé en 2023 12 TWh

[5]Une partie de l’écart résulte de l’indisponibilité due aux lourds de travaux de maintenance et de mise à niveau de sûreté pour prolonger la durée d’exploitation du parc nucléaire

[6] Taishan 1, Taishan 2, en Chine, Olkiluoto 3 en Finlande, Flamanville 3 en France

Contribution à la consultation Politique énergétique France PPE novembre 2024
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B
Dans l’attente de l’analyse du passage du prochain hiver 2024/2025 pour le systéme électrique, conclusions retirées du Bilan RTE pour le premier semestre 2024 : <br /> https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/bilans-electriques-nationaux-et-regionaux<br /> <br /> Extraits rapport RTE<br /> : « …<br /> • La baisse de la consommation varie de -5 à -10 % selon les mois, en données corrigées des conditions météorologiques). <br /> • Ceci traduit la persistance de la dynamique baissière engagée depuis la fin des années 2010 (progrès d’efficacité énergétique) et accentuée par les crises de 2020 et surtout 2022 (sobriété et contraction de la demande par effet prix).<br /> • La volonté d’électrification, en substitution aux énergies fossiles, ne se traduit pas encore par des effets suffisamment importants pour contrebalancer cette tendance bien ancrée.<br /> <br /> Du fait de l’abondance de la production bas-carbone, d’une demande faible et de capacités d’export parfois saturées, concomitantes d’épisodes de forte production éolienne et solaire dans les pays voisins, les épisodes de prix négatifs ont fortement augmenté en France au cours du premier semestre (233 pas horaires négatifs constatés contre 53 au premier semestre 2023)…. »<br /> <br /> D’où, à ce stade, au vu du risque établi de black-out ( augmentation des situations à prix négatifs en situation de production intermittente excédentaire ) et du risque de disponibilité sur le pilotable des reprise de la demande ( cf besoins de flexibilité renforcés): <br /> - Priorité à devoir mettre en place au plus tôt un mode de rémunération stable et non spéculative pour le consommateur et permettant la viabilité économique pour les investissements dans le pilotable décarboné <br /> - Engager au plus tôt la sécurisation et le renouvellement du pilotable décarboné dans la production d’électricité<br /> - Suspendre en France et en Europe interconnectée électriquement tout nouvel engagement dans la production intermittente d’électricité
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