Deux livres récents apportent des éclairages nouveaux, documentés, et complémentaires sur la Guerre que subit la Syrie depuis 2011, et sur le rôle non anodin de la France dans celle-ci.
Le livre de Maxime Chaix « La guerre de l’ombre en Syrie – CIA pétrodollars et Djihad », publié en 2019 aux éditions Erickbonnier, établit :
- Que la France, avec ses alliés britanniques et américains, a aidé des miliciens lybiens qui se sont retrouvés ensuite dans les rangs de Daech ou d’Al-Nosra au Levant, page 91
- La porosité entre les groupes rebelles dits modérés en Syrie, armés par la France dès 2012, et les différentes mouvances islamistes sur le terrain, dont al-Nosra, filiale au Levant de Al-Quaida, confondue avec Daech jusqu’à l’hiver 2013-2014, et qui a monté les grandes opérations et assuré le commandement des opérations sur le terrain page 33
- La participation de la France à l’opération de grande ampleur des US intitulée Timber Sycamore, en soutien financier et militaire partagé avec l’Arabie Séoudite, le Quatar et la Turquie pour renverser en Syrie le Gouvernement en place, en formant, et soutenant militairement et financièrement les rebelles au Gouvernement en place. Note 2, page 92
- Le Gouvernement US avait connaissance dès 2012 que la livraison des armes exécutée dans le cadre de cette opération Timber Sycamore profitait directement aux groupes les plus radicaux, note 2, page 121
Maxime Chaix est journaliste indépendant
Le livre de Roland Hureaux, « la France et l’Otan en Syrie, le grand fourvoiement », Bernard Giovanangelli, éditeur, publié en janvier 2019, établit quant à lui les points suivants :
- Les attaques chimiques de la Gouta, faubourg de Damas, le 21 août 2013, ont été réalisées - suivant deux expertises indépendantes, l’une issue du Massachusetts Institute of Technology aux US, et l’autre issue de l’OIAC, l’Organisation pour l’Interdiction des Armes chimiques près l’ONU) - par les rebelles d’Al-Nosra page 29
- Les doutes qui subsistent encore un an après sur l’origine de l’attaque chimique du 4 avril 2018 dans le faubourg Douma de Damas (page 30) et qui a entrainé une action militaire conjointe hors de tout mandat international de la France, du Royaume Uni et des US contre la Syrie, le 14 avril 2018 (et non le 7 avril comme mentionné dans ce livre)
- L’importance de la Syrie sur le plan géostratégique (sur la route potentielle de gazoducs du Gaz issu du Quatar et de l’Iran, gisements gaziers sous le sol syrien et en Méditerranée, et alliance de la Syrie avec la Russie pour l’accès maritime de celle-ci à la Méditerranée)
- Décision prise en 2009 par les US de renverser le gouvernement syrien à la suite de son refus de mettre en place un gouvernement pro-occidental et facilitant le transit du gaz Quatari, (page 40), avec confirmation dès 2010 de l’implication dans cette décision du Royaume uni et sollicitation de la France (page 41)
- Au regard de la politique laïque et arabe, et de la politique de défense des droits des réfugiés palestiniens et irakiens conduite par le Gouvernement en place en Syrie, décision est prise par les US en 2011, dans le prolongement du dit printemps arabe, de soutenir la rébellion islamiste en s’appuyant sur les Frères musulmans syriens, seule organisation structurée capable de renverser le Gouvernement en place, et engagée déjà dans une situation préexistante de conflit opposition/répression avec le Gouvernement en place (page 42)
Roland Hureaux est historien et essayiste. Il est membre du comité scientifique de la fondation Charles de Gaulle et conseiller au Centre d’Analyse et de prévision du ministère des Affaires étrangères
En conséquence, il apparaît indispensable en France qu’a minima une enquête parlementaire approfondie soit menée pour approfondir les points suivants :
- Les modalités de financement public français et d'engagement militaire sur les opérations au Levant, quel cadre légal, quel processus de décision, quel montant, quelle destination, quels intermédiaires choisis ?
- Quelles dispositions prises, quelles mesures de précaution, en objectif de moyen à défaut de résultat, pour garantir qu’aucun euro public français n’ait pu servir à armer des individus ou des organisations soutenant, revendiquant ou réalisant des actes portant atteinte à la dignité humaine ( viol, torture, atteinte à la vie humaine,…)
- Quel traitement des alertes et des remontées d’information exprimant un risque de défaillance de telles dispositions ?
- Quelles actions en conséquence, d’ordre judiciaire, législatif, … ?
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