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Le blog de Malicorne

Le blog de Malicorne

Journal d'un citoyen français, militant de la vie et de la liberté


Point de situation à fin 2023 sur les réacteurs à neutrons rapides

Publié par Bernard Maillard sur 30 Décembre 2023, 23:10pm

Catégories : #energie, #politique, #Géopolitique

L'uranium naturel est constitué de 99,3 % d'uranium 238 accompagné de 0,7 % d'uranium 235 et d'une quantité infime d'isotope 234

L’uranium 235 est fissile. Par interaction avec un neutron, il peut fissionner et libérer de l’énergie.

L’uranium 238 est dit fertile. Par interaction avec un neutron, il peut se transformer en Plutonium 239 qui lui-même est fissile.

Les neutrons issus de la réaction de fission sont à vitesse rapide. L’entretien continu de la réaction nucléaire entre un atome fissile et un neutron peut avoir lieu avec une vitesse rapide de collision, en utilisant un neutron directement issu de la réaction nucléaire de fission, ou à vitesse lente, après ralentissement des neutrons par un milieu ralentisseur de neutrons (carbone graphite, eau lourde, eau légère…)

Si les réacteurs à neutrons lents permettent une conversion partielle de matière fertile en matière fissile, les réacteurs rapides permettent d’amplifier cette conversion et de valoriser dans un facteur supérieur à 50 par rapport aux réacteurs à neutrons lents l’utilisation énergétique des matières nucléaires disponibles, fissiles et fertiles.

La production d’électricité par l’énergie nucléaire étant une énergie pilotable décarbonée, et l’énergie nucléaire permettant également la production décarbonée d’hydrogène, la production décarbonée de chaleur industrielle et la propulsion navale, la disponibilité de matières nucléaires sur le long terme et leur valorisation optimale constituent un enjeu majeur de souveraineté énergétique.

Dans ce cadre, la maitrise du retraitement des combustibles usés permettant le tri sélectif entre les matières nucléaires valorisables et les déchets nucléaires ultimes, la valorisation et le recyclage des matières nucléaires avec fermeture du cycle de combustible, associés au développement des réacteurs rapides, constituent ainsi un enjeu majeur.

La stricte séparation des activités nucléaires civiles et militaires, et le respect des dispositions de contrôle international des flux de matières nucléaires sous l'égide de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique, permettent de minimiser le risque de prolifération nucléaire. 

L’ensemble des avantages induits par l’énergie nucléaire, notamment apportés par sa densité énergétique, ont une contrepartie. Le risque physique d’accident nucléaire ne sera jamais nul, et le développement de cette filière nucléaire demeure soumis, comme les autres filières nucléaires, à l’exigence de sûreté nucléaire en priorité une dans sa mise en œuvre, avec toutes les conséquences sur le plan des compétences requises scientifiques et industrielles, des dispositions institutionnelles et de gouvernance, publique comme privée, et de culture de sûreté nucléaire partagée avec l’ensemble des parties prenantes.

Si la France, et l'Europe à travers elle, disposaient d’une avance remarquable dans la technologie des réacteurs à neutrons rapides, avec les réacteurs Rhapsodie ( 40 MW thermique, 1967/1983) , Phénix ( 250 MWe – 1975 /2010)  et Super Phénix (1200 MWe, 1985/1998) construit dans un cadre européen avec les Allemands et les Italiens dans le cadre de la société NERSA, l’arrêt par les Pouvoirs Publics en France de Super Phénix en 1998, puis du programme Astrid en 2019 et la dispersion des équipes et des compétences qui en a résulté à chaque fois ont fortement entravé  le développement de la filière en France. Des appels à projet récents ont permis de relancer des études de projets.

Trois éléments ont contribué au ralentissement du développement de cette filière à travers le monde :

  • Le marché mondial de l’uranium s’est notablement détendu après les accidents de Tchernobyl en 1986 puis de Fukushima en 2011 qui ont conduit à repousser dans le temps le développement du nucléaire dans le monde, et donc à diminuer à court terme la pertinence de la valorisation de la surgénération dans les réacteurs à neutrons rapides
  • L’abandon par les Américains de cette filière avec l’arrêt du dernier réacteur rapide américain EBR 2, en 1994, avec l’arrêt en conséquence aux US  de la fermeture du cycle du combustible et du retraitement des combustibles usés hormis pour des besoins spécifiquement militaires.
  • Les difficultés technologiques de mise au point de la filière. A noter en particulier les événements d’anti-réactivité, survenus seulement sur des réacteurs rapides, en France sur Rhapsodie en 1978, sur Phénix en 1988 et 1989 et aux US sur le réacteur EBR2 en 1974 (source IRSN[1] ) et dont l’origine n’est,  à ce stade, en fonction des données publiquement disponibles, toujours pas établie, même si de nombreuses pistes ont pu être avancées.

Dans le monde, actuellement, deux réacteurs de puissance sont en exploitation, en Russie. Et quatre réacteurs sont en construction, deux en Chine, un en Russie, et un en Inde. A noter que ces trois pays font partie des BRICS. Aucun pays du côté occidental ou du G7 n’a repris à ce stade la construction d’un réacteur à neutrons rapides.

La France tente de reprendre l’initiative à travers différents appels à projets qui nécessiteront la plus grande vigilance sur le plan de la sûreté compte tenu des dispersions de compétences qui ont été induites par les allers et retours successifs dans la politique conduite jusqu’à présent par les Pouvoirs Publics en France et évoquée plus haut. Le Commissariat à l’Energie Atomique, partenaire désigné pour chacun des projets aujourd'hui récemment soutenu par la France, jouera un rôle important dans la capitalisation du retour d’expérience, avec une nécessaire prise en compte des éléments disponibles au niveau international, en amont de toute considération d'ordre géopolitique ou commercial.

La  contribution anticipée des futurs exploitants nucléaires potentiels sera aussi tout autant déterminante pour la sûreté et la réussite des projets susceptibles de se développer. Il conviendra également de veiller à ce que le nécessaire investissement pour le long terme dans la filière rapide ne conduise pas à diminuer les ressources humaines et financières requises pour l’exploitation, la mise à niveau de sûreté et le renouvellement du parc existant à eau légère à neutrons lents,  ainsi que pour la mise à niveau et le renouvellement de toute la filière sur le cycle du combustible qui va nécessairement avec.

Réacteurs rapides en exploitation dans le monde[2] :

En Russie,

Beloyarsk 3, BN600, 600 MWe, refroidi au sodium. Début de construction le 1er janvier 1969. Première divergence le 26 février 1980. Premier couplage au réseau d'électricité le 8 avril 1980. Facteur de disponibilité de puis le démarrage, 75,8%.

Beloyarsk 4, BN800, 820 Mwe, refroidi au sodium, début de construction le 18 juillet 2006, première divergence le 27 juin 2014, premier couplage sur le réseau d'électricité le 10 décembre 2015. facteur de disponibilité depuis le démarrage, 66,8%.

Réacteurs rapides en construction  dans le monde[3]

En Inde :

Réacteur Madras 470 MW, à Kapalkam, refroidi au sodium

Début de construction le 23 octobre 2004

 

En Chine :

A Xiapu

Xiapu 1, CFR 600 de 642 MWe, refroidi au sodium

Début de construction le 29 décembre 2017

Xiapu 2, CFR 600 de 642 MWe, refroidi au sodium

Début de construction le 27 décembre 2020.

 

En Russie :

BREST OD 300 à Seversk, 300 MWe, réacteur refroidi au plomb,

début de construction le 8 juin 2021.

 

Projets de réacteurs rapides en France[4]

XAMR (eXtrasmall Advanced Modular Reactor) | Naarea SA

Naarea SA (Nuclear Abundant Affordable Resourceful Energy for All) développe le projet « XAMR (eXtrasmall Advanced Modular Reactor) » de micro-générateur nucléaire de 4e génération, capable de produire de l’électricité et de la chaleur à partir de combustibles nucléaires usagés, provenant du parc nucléaire actuellement exploité. Ce projet de réacteur à neutrons rapides, utilisant des sels fondus comme fluide caloporteur, vise à permettre la fermeture complète du cycle du combustible nucléaire.
Au-delà de ses contrats ou partenariats avec plusieurs acteurs académiques (CNRS) ou industriels (Assystem, Dassault Systems, Orano), le projet XAMR bénéficiera d’un accompagnement du CEA.

 

Newcleo - LFR-30 | Newcleo SA

Newcleo ambitionne de développer, construire et opérer des réacteurs à neutrons rapides innovants de 4e génération utilisant le plomb comme fluide caloporteur (réacteur de type « Lead Fast Reactor (LFR) »).

Dans le cadre de son projet « LFR-30 », Newcleo s’est implanté en France pour mettre au point les technologies clés innovantes dans le cadre de programmes de recherche avec des organismes et des industriels français et européens. L’entreprise vise la mise en service en 2030 d’un démonstrateur LFR de 30 mégawatts électriques (MWe), en y associant la fabrication de combustible MOX sur des sites industriels nucléaires français. Plus globalement, Newcleo a pour objectif de concevoir et de mettre en œuvre une technologie contribuant à fermer le cycle du combustible nucléaire, à optimiser l’utilisation des ressources pour minimiser l’exploitation minière, à valoriser et réduire le volume et l’activité des matières radioactives résiduelles.

Au-delà de ses contrats ou partenariats envisagés ou en cours (notamment avec plusieurs industriels nationaux), le projet bénéficiera d’un accompagnement du CEA.

HEXANA | HEXANA

La société HEXANA, fondée le 16 juin 2023, conçoit un système de réacteur à neutrons rapides à caloporteur sodium intégré, avec deux réacteurs modulaires d’une puissance de 400 MW thermique chacun, associé à un dispositif de stockage d’énergie, permettant de fournir de la chaleur à 500°C et de produire de l’électricité. Le développement d’HEXANA s’appuie sur l’expérience historique de la filière française, sur l’intégration d’une innovation sur le stockage thermique, sur la mise au point d’une chaîne de manutention novatrice des assemblages combustibles et sur l’utilisation de systèmes de sûreté passifs.

Au-delà de ses contrats ou partenariats avec plusieurs acteurs industriels, le projet HEXANA bénéficiera d’un accompagnement du CEA (essaimage).

 

ONE | Otrera Nuclear Energy

La société OTRERA Nuclear Energy (ONE), fondée le 8 février 2023, ambitionne de concevoir, développer et réaliser un système de deux réacteurs à neutrons rapides à caloporteur sodium couplés, avec structure à boucles d’une puissance globale de 110 MWe, permettant le recyclage des assemblages usés des réacteurs à eau pressurisée et de ses propres combustibles usés, en vue de produire de l’électricité et de valoriser la chaleur fatale en cogénération.

Au-delà de ses contrats et partenariats avec des acteurs industriels, le projet Otrera bénéficiera d’un accompagnement du CEA.

Stellaria

Stellaria a pour ambition de développer un système énergétique basé sur un réacteur à sels fondus chlorure.

Le principe de cette technologie : intégrer le combustible sous forme liquide, dissous dans des sels fondus qui constituent le fluide caloporteur. Le combustible liquide peut rester en quasi-continu dans le cœur du réacteur. Ses principaux avantages : regrouper, dans une même filière nouvelle, la production d’énergie et le multi-recyclage du combustible avec un haut niveau de sûreté passive par design (convection naturelle, absence de pression, auto-stabilisation du cœur…).

Ce projet bénéficie du partenariat du CEA ( essaimage  - source CEA)

 

 

[1] 1/ rapport de l'IRSN référence IRSN/DG/2012-00002 du 21 mars 2012, "panorama des filières de réacteurs de génération IV, Appréciations en matière de sûreté et de radioprotection"

http://www.irsn.fr/fr/expertise/rapports_expertise/documents/surete/irsn-gen-iv_002-2012.pdf

2/ rapport IRSN de 2015, Examen des systèmes nucléaire de 4ème génération,

http://www.irsn.fr/FR/expertise/rapports_expertise/Documents/surete/IRSN-Rapport-GenIV_04-2015.pdf

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