Quelques éléments d’actualité sur l’électricité en France début 2023 mettent en évidence
- des prix totalement excessifs de 280 Euro le MWh et plus pour la part énergie (à laquelle il faut rajouter le coût d’acheminement et les taxes) pour les artisans et petites entreprises en France au regard du coût de production de l’électricité en France en 2023
- Le coût énorme pour la collectivité des "boucliers tarifaires" et "amortisseurs" mis en place par les Pouvoirs Publics: coût prévisionnel de 28 Milliards d'euro pour 2023 annoncés par la CRE https://www.cre.fr/Actualites/la-cre-fixe-les-acomptes-verses-par-l-etat-aux-fournisseurs-d-electricite-dans-le-cadre-du-bouclier-tarifaire-et-de-l-amortisseur
- La nécessaire refonte en profondeur de la régulation du marché de l’électricité en Europe qui s'aligne sur les prix du gaz alors que celui-ci est marginal dans la production électrique française et la suspension au plus tôt de la régulation ARENH qui conduit à faire céder par EDF une large part de sa production nucléaire à un prix fixe depuis onze ans de 42 Euro le MWh et dérisoire au regard du prix que doivent aujourd’hui payer les artisans et petites entreprises de France, et aussi les collectivités
- La nécessaire poursuite de la consolidation prioritaire du pilotable décarboné France (hydraulique et nucléaire)
- La nécessité de l'engagement au plus tôt sans plus tarder de nouveaux réacteurs EPR2 (cout 52 Milliards d'euros pour 6 réacteurs EPR2, amortis en deux ans de boucliers tarifaires types 2023...)
- Le nécessaire moratoire du développement massif, particulièrement coûteux (des centaines de milliards d'euros en jeu) et inadapté, des énergies intermittentes (notamment éolien) alors que l’électricité française est déjà décarbonée grâce au parc hydraulique et nucléaire existant, étant entendu que le « petit » renouvelable peut trouver toute sa place dans des territoires insulaires ou isolés où le coût peut ne pas être la variable prépondérante à devoir être prise en compte.
Les prix totalement excessifs de 280 Euro le MWh et plus pour la part énergie (à laquelle il faut rajouter l’acheminement et les taxes) que peuvent rencontrer les artisans et petites entreprises en France résultent des sommets inacceptables qu’a atteint, sur le marché de gros de l’électricité, le « ruban » d’électricité en France en 2022 . Ainsi, le 26 aout 2022, les 1000 Euro le MWh en "ruban" tout au long de l’année pour l’année 2023 ont été dépassés sur le marché de gros Ils mettent en évidence la nécessité d’une réinterrogation profonde de la régulation du marché de l’électricité en Europe et de la politique énergétique suivie.
Ci-dessous, quelques faits et données pour rappeler ou actualiser les éléments déjà exposés en détail dans la conférence tenue à Saint Germain-en-Laye le 19 octobre 2022 sur les éléments clés factuels (je demeure pleinement disponible pour refaire cette conférence à la demande et actualisée en tous lieux de France)
https://malicorne.over-blog.com/2022/10/energie-ou-allons-nous-quelques-reperes.html
Un contexte de douceur météorologique, des situations économiques malheureusement difficiles pour plusieurs secteurs, et des actions légitimes de mobilisation collective sur l'efficacité énergétique conduisent à une baisse relative de la demande en électricité en France. Depuis plus de dix ans, la demande en électricité en France est stable, et malgré les nouveaux besoins (mobilité électrique, économie numérique), elle le restera. La baisse de la demande en électricité a cependant été marquée en France en 2022 ( -1,7% dans un contexte encore plus marqué dans l'union Européenne -3,5 % mais non en Russie, où la croissance a été +1,5 % et non aux US ou en Chine où elle a été de + 2,6 % )
Pour la première fois depuis 1980, la France a été en 2022 importatrice de 16,5 Twh en électricité sur l' ensemble de l’année 2022 , alors qu'elle était largement exportatrice depuis 1980. La France est redevenue exportatrice nette en électricité fin décembre 2022 après une intense mobilisation industrielle pour retrouver de la disponibilité sur le parc nucléaire marqué par un aléa industriel débuté fin 2021 ( corrosion sous tension sur les réacteurs les plus récents). Avec un taux de disponibilité du nucléaire en 2022 de 54 % contre un taux de 73 % pour la période 2014-2019, la production nucléaire a été particulièrement faible en 2022 (279 TWh à comparer aux 430 TWh obtenus en 2005).
La sécheresse en 2022, la faible hydraulicité, le débit dans les rivières et fleuves, les stocks d'eau qui ont pu être retenus derrières les barrages, ont conduit par ailleurs à une production hydraulique la plus faible depuis 1976, de 46,8 TWh ( à comparer à 67,8 TWh en 2018).
L'hydraulique et le nucléaire représentent les deux tiers de la production d'électricité en France. Ce sont des énergies pilotables, décarbonées avec des coûts fixes. Elles permettent à la France, sous réserve que le consommateur final puisse en disposer sans coûteux intermédiaires ou taxations excessives, de bénéficier d'une électricité déjà décarbonée et particulièrement compétitive à la production.
Le nucléaire existant, qui représente les deux tiers de la production d’électricité en France a notamment un coût fixe évalué dans le cadre du dispositif Arenh à 42 euro le Mwh. Cette valeur est demeurée inchangée depuis maintenant onze ans ( avec un volume complémentaire à 46 Euro le MWh en 2022). Elle est reconduite à ce stade par les Pouvoirs Publics pour 2023. Ce coût intègre les provisions pour la déconstruction des usines à la fin des cycles de production et pour le traitement des déchets nucléaires ultimes.
Ce dispositif Arenh est cependant destructeur de valeur car EDF se voit obligée de céder à ce prix une très large partie de sa production nucléaire, et d’aller en conséquence, pour fournir ses propres clients, se sourcer sur un marché de gros de l’électricité dont les prix sont complétement déconnectés de la structure du coût de production en France.
Ainsi, le « ruban » pour le deuxième trimestre 2023 était en janvier 2023 à 184 euro le Mwh, et pour le ruban annuel 2024, à 215 euro le Mwh. Le ruban sur l’ensemble de l’année 2023 était monté le 26 août 2022 à un prix totalement excessif de plus de 1000 euro le MWh particulièrement éloigné des 42 euro le MWh de base du nucléaire accordé à EDF pour la production cédée dans le cadre de l’Arenh.
https://www.eex.com/en/market-data/power/futures
En complément, il convient de garder en mémoire que la production annuelle du parc nucléaire existant français à été diminuée annuellement depuis 2020 de 12 Twh suite à l' arrêt volontaire par les Pouvoirs Publics de Fessemheim (1800 Mw). Cela représente les deux tiers du déficit de la balance commerciale en électricité de la France en 2022, signalé plus haut.
Le parc nucléaire existant, démarré pour l’essentiel dans les années 80 va bientôt franchir un âge moyen de 40 ans. Les opérations dites de Grand Carénage permettent de mettre l’ensemble du parc nucléaire au même niveau de sûreté, en s’approchant des objectifs de sûreté des réacteurs de troisième génération. Elles se poursuivront en 2023 suivant la programmation pluriannuelle des arrêts décennaux, et sous le regard légitimement très exigeant de l’Autorité de sûreté nucléaire.
Si des réacteurs de conception similaire obtiennent des autorisations à 80 ans aux US, il faut dès maintenant préparer le renouvellement du parc nucléaire existant, notamment au regard des risques confirmés de délestage, en cas de vague de froid, sur le système électrique en France durant l’hiver 2022/2023 qui mettent en évidence la nécessité prioritaire de renforcer durablement et en profondeur la production pilotable décarbonée d’électricité en France, hydraulique et nucléaire. Ce renforcement pour le parc existant passe par la poursuite du Grand Carénage, le retour à une disponibilité du parc comparable aux meilleurs standards internationaux, voire à une augmentation de puissance techniquement possible et déjà étudiée sur le parc 1300 MW mais nécessitant une reprise de la loi qui bride aujourd’hui la puissance nucléaire installée en France, et qui prévoit une fermeture prématurée d’une douzaine de réacteurs en plus de Fessemheim.
Le coût du nouveau nucléaire est autour de 100 euro le Mwh ( cf contrat de rachat pour Hinckley Point au Royaume Uni ) pour des réacteurs dont l’exploitation se poursuivra jusqu’à la fin du 21 ième siècle, voire au-delà. Les décisions restent à prendre dès maintenant en France pour les nouveaux réacteurs EPR 2 pour financer et permettre un renouvellement industriel et progressif du parc existant à l’horizon 2035- 2050. Le coût annoncé des 6 premiers EPR 2 est de 51,7 Milliards d'euros 2020, hors coût du financement.
L'éolien et le solaire, intermittents, sont rachetés à des prix fixes (coûts moyens de 93 euros le Mwh pour l’éolien terrestre, 166 euro le Mwh pour l’éolien off shore , et 238 euro le Mwh pour le Mwh solaire, pour les contrats déjà engagés, cf délibération Cre 2022 202 ). Ces coûts sont certes très élevés par rapport au coût du Mwh nucléaire , mais annoncés en baisse pour les nouveaux contrats de rachat.
L’intermittence qui peut aller, en plein hiver, d’un facteur 1 à 100, sans corrélation avec la demande en électricité, ( cf production éolienne en France en janvier 2022 qui a varié entre 150 et 15000 Mw) exige la disponibilité d'une large production pilotable décarbonée d’électricité, hydraulique, nucléaire, voire, de manière très marginale en France, quelques pour cent dans la production d’électricité en France par du gaz très fortement carboné et importé. Elle induit également un profond et nécessaire renforcement des réseaux électriques interconnectés.
Le programme aujourd'hui annoncé de développement massif et donc très coûteux (plusieurs centaines de milliards d’euro sont en jeu) de l’intermittent en France doit être réinterrogé au regard de l'électricité déjà décarbonée en France ( l'hydraulique et le nucléaire sont moins émetteurs de gaz à effet de serre que l'éolien et le solaire) et du nécessaire renforcement préalable du réseau et du pilotable décarboné, et des coûts fatalement induits pour le consommateur comme pour le contribuable.
Le « petit » renouvelable, associant conjointement de l’intermittent et du stockable local, peut trouver cependant toute sa place dans les systèmes électriques insulaires ou isolés, voire bénéficier de la solidarité inter-territoriale par le réseau interconnecté avec des sources pilotables décarbonées réparties, sous réserves des marges suffisantes dans la production pilotable décarbonée, et d’une transparence sur les coûts effectifs de production et des modes de financement.
Les données plus détaillées pour 2022 de l'électricité en France sont dans
https://malicorne.over-blog.com/2023/02/electricite-en-france-en-2022.html
Données plus générales actualisées en continu dans
https://sevedatome.fr/donnees-reperes
mis à jour le 5 mars 2023